Pyrénées-Orientales : regain de pousse des sarments, cerises explosées… comment l’agriculture a-t-elle réagi à l’épisode pluvieux de cette fin avril ?
Le bilan a été très rapidement tiré par les spécialistes : la pluie tombée pendant trois jours la semaine dernière a été bienfaitrice pour les sols et les végétaux mais insuffisante pour remplir les nappes phréatiques. Qu’en a-t-il été pour l’agriculture locale qui est souffrance depuis plus de deux ans à cause de la sécheresse ? Jean Henric, le nouveau président des Jeunes agriculteurs des Pyrénées-Orientales et viticulteur à Bages, dresse le bilan.
Les trois jours de pluie en pays catalan sont-ils arrivés à point nommé pour le monde de l’agriculture locale ?
Ça a été une chance pour ne pas dire un cadeau du ciel. Ce qui était en train de mourir sur nos terres a retrouvé une nouvelle vigueur. Des plantations ont pu repartir, notamment dans l’arboriculture et le maraîchage. Grâce à cette pluie douce tombée finement, et qui je pense tombera à nouveau, la terre a eu le temps de boire. Si des rideaux de pluie étaient tombés, tout serait parti rapidement à la mer et du stockage de l’eau n’aurait pas eu le temps de se faire. Malheureusement, l’eau n’a pas eu le temps de trop remonter dans les forages qui alimentent sur Espira et dans la basse vallée de l’Agly où des abricotiers sont en train de périr. Ainsi que des vignes. Mais paradoxalement, ailleurs, des vignes dont les souches étaient en train de mourir ont pu survivre. Pas sûr qu’elles puissent produire toutefois… En montagne, la pluie a également fait du bien à la culture du foin.
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Peut-on affirmer que la saison a été sauvée ou est-ce prématuré ?
C’est prématuré. Le problème des végétaux c’est que plus ils remontent en production, plus ils demandent de l’eau. Si les fruits demandent de plus en plus d’eau et qu’il n’y en a pas, ils ne vont pas grossir et la plante en souffrance peut même les faire dessécher. Le souffle de la tramontane aussi peut précipiter ce dessèchement. Si l’eau manque, que va-t-il se passer alors ? Car là, les poussées des végétaux n’ont été que momentanées.
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Comment se portait l’agriculture d’ici jusqu’à présent ?
Honnêtement, c’était catastrophique après plus de deux ans sans pluie. Les végétaux ne pouvaient plus pousser, ils mourraient. Par exemple, en l’absence de foin, des agriculteurs étaient obligés d’en acheter, ce qui provoquait des frais pour pouvoir nourrir les bêtes, ou pire, des réductions de cheptels chez les bovins, les ovins et les caprins. Le démarrage des pieds de vigne n’était pas normal, des pieds ne poussaient pas. En arboriculture, certains arbres sont passés juste mais d’autres en Fenouillèdes ou dans les Aspres n’ont pas survécu. Si des grenadiers ont tenu bon, il n’en a pas été de même pour les abricotiers, les pêchers et les jeunes plantations. Alors qu’à cette époque de l’année, c’est normalement la pleine saison des premiers abricotiers, des cerises et du maraîchage. Mais avec des forages à sec, comment voulez-vous irriguer.
La viticulture a-t-elle été particulièrement sinistrée ?
Oui, vraiment. Les plans qui ont souffert l’an dernier sont morts cette année. Et ceux qui souffrent actuellement, comment vont-ils réagir quand les raisins auront pompé toute la sève ? En revanche, pour ceux qui ont eu un regain grâce à la pluie, les sarments ont pris dix centimètres en quelques jours alors qu’ils n’en faisaient que trois ou quatre. À moins d’un vent fort, cette poussée ne va pas les rendre plus fragiles.
Cette pluie n’a pourtant pas fait que du bien. Que s’est-il passé pour la culture des cerises à Céret ?
Chaque année et c’est regrettable, quand elles arrivent à maturité, il pleut. L’eau qui stagne sur le fruit qui a trop grossi et pris trop de sève le fait exploser. Il pourrit et il est donc invendable. Des cerises ont survécu mais il y en aura peu cette année. Elles seront quand même de qualité. Ce fruit n’est pas dimensionné pour l’apport d’eau qu’il y a eu. Cette situation arrive, mais pas à ce point car là, même les fruits verts ont explosé. On peut supposer que c’est à cause de l’arbre qui a été en réserve pendant deux ans… Les services de l’État doivent se rendre sur place la semaine prochaine pour constater les dégâts qui n’ont pas encore pu être évalués.
La haute vallée de l’Agly est particulièrement touchée par la sécheresse. Êtes-vous inquiet pour l’agriculteur dans ce secteur ?
Oui énormément car le barrage de Caramany ne se remplit qu’avec la pluie et la priorité est portée vers la fourniture de l’eau potable. Quand il lâche dans l’Agly, ça tombe dans un gouffre à Estagel et ça disparaît. Les vignes et les amandiers sont en danger. Et l’agriculture en général. Sauf que sans agriculture, il y a des répercussions. Par exemple, les incendies peuvent éclater plus facilement.
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