Unique et exemplaire près de Perpignan : un village de 2300 habitants "pas loin du record en France" dans l’installation de composteurs partagés
Il est un village des Aspres à la pointe depuis 2013 en termes de collecte des biodéchets. Il est déjà équipé de 7 composteurs collectifs, dont, depuis un an, le tout premier site d’Occitanie adapté aux déchets dits "carnés" : les riverains peuvent y jeter leurs restes de viande ou de poisson. Trouillas fait ainsi figure d’exemple à suivre. Et compte bien conserver sa longueur d’avance.
On appelle ça un "site vitrine". Et si le Réseau Compost Citoyen d’Occitanie lui a attribué ce label lors de son installation en mai 2023, c’est parce qu’il a vocation à faire des émules. Ce vendredi 10 mai 2024, un an après sa mise en place, et après plusieurs jours fériés, le conteneur de 600 litres est quasiment plein. On est rue des Roses, quartier du Tonkin à Trouillas. Ces trois bacs en bois, surmontés d’un panneau d’affichage coloré et adossés à une rangée de cyprès, sont en fait une rareté. L’image du futur sans doute. Même si les riverains n’en ont pas conscience. Sur le rebord du composteur collectif, un économe a été oublié. Facile d’imaginer un habitant d’une des maisons environnantes sorti de sa cuisine pour vider en vitesse une assiette d’épluchures de légumes. Il aura posé l’ustensile pour ouvrir le couvercle en bois du collecteur. Et sera reparti surveiller son plat sur le feu en le laissant là…
"Au début, on avait posé à côté une presse pour demander aux utilisateurs de compresser les déchets déposés. Et puis on s’est aperçu que c’était trop difficile pour certaines personnes, ça demande une certaine force." Depuis, explique Jean-François Cazals, ce sont des agents de la communauté de communes qui l’apportent lors de leur tournée hebdomadaire.
Objectif : 10 sites d’ici 2025
Le premier adjoint au maire, en charge de la propreté et de la gestion des biodéchets, a l’œil sur tout le dispositif. Ce qui n’est pas peu dire. Car la commune des Aspres a lancé les hostilités depuis plus de 10 ans. "En 2013, on était les premiers du département à inaugurer un composteur collectif en habitat social, dans la résidence La Colla, s’enorgueillit le maire, Rémy Attard. Il y a deux semaines, on étrennait trois nouveaux sites de compostage collectif sur la commune. On en a 7 aujourd’hui en tout, dont un à l’école du village, pour la cantine." "L’objectif à terme, enchérit son adjoint, c’est d’arriver à 10 d’ici 2025." Une densité qui, rapportée au nombre d’habitants, fait de Trouillas l’un des villages de France les plus en avance sur la question du compostage des biodéchets.
Le site du Tonkin en est à la fois l’étendard et la partie émergée de l’iceberg. Celui-ci peut donc recevoir jusqu’à 30 % de déchets carnés. Les agents de la communauté de communes des Aspres s’occupent d’y mélanger régulièrement des résidus secs, broyat et autres, afin de permettre une bonne décomposition. Comme sur chaque site, un habitant bénévole est nommé référent, et spécialement formé par les agents.
On a dû ajouter un module pour répondre à la demande
D’autres, appelés "ambassadeurs du tri", font du porte à porte pour sensibiliser et proposer des bioseaux, ces poubelles de cuisine destinées aux biodéchets. "Sur 176 foyers visités dans le centre du village ces dernières semaines, 56 ont été délivrés", se félicite le maire. C’est une politique globale qui a été mise en place à Trouillas au fil des ans. Le mardi, ces mêmes personnels de la comcom sont sur le marché, proposent encore des bioseaux ou des composteurs individuels pour ceux qui ont un jardin. "C’est beaucoup de travail en amont, admet Rémy Attard, mais à Trouillas aujourd’hui, les gens se sentent concernés." Pour preuve, argue son adjoint, "au dernier point de compostage ouvert il y a quelques mois, on a dû ajouter un module pour répondre à la demande". Les élus observent "un effet d’entraînement" parmi les habitants. Et lorsque la déchetterie du village – l’une des deux unités communautaires – ouvre ses portes de temps en temps le samedi pour distribuer du compost, le maire l’assure, "le rendez-vous est très prisé !"
La meilleure façon de réduire le volume d’ordures ménagères
La loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) contraint depuis le 1er janvier dernier les communautés de communes à réduire leur volume d’ordures ménagères de 40 kg par an et par habitant, pour une moyenne actuelle de l’ordre de 87 kg. Soit un objectif de réduction de moitié environ.
Sachant que le compost est constitué à 80 % d’eau, il représente un gaspillage considérable d’énergie en incinération. La pratique du compostage allège donc les poubelles d’environ 30 %.
"C’est ainsi, argumente l’ambassadeur du Réseau compost citoyen d’Occitanie, que la communauté de communes Conflent-Canigou, en mettant en place des solutions pour les biodéchets, est parvenue à faire passer sa tournée de ramassage des ordures d’un passage par semaine, à un tous les 15 jours." Le spécialiste salue l’effort. Et s’incline devant la prouesse trouillassenque. "Ils sont vraiment engagés, je n’ai jamais vu autant de composteurs dans un village de cette taille. Alors que certaines comcom n’ont pas commencé, ou très peu. Pour moi, on n’est pas loin d’un record de France à Trouillas !"
Rongeurs, odeurs et animaux errants ? "Aucun risque !"
Le composteur partagé labellisé "site carné" ou plus exactement "site vitrine traitant les biodéchets" (toutes matières organiques : épluchures de fruits et légumes, restes alimentaires, déchets verts) nourrit, de l’aveu de l’ambassadeur du Réseau compost citoyen d’Occitanie, pas mal de craintes et de fantasmes. Des a priori qu’il s’attache à démonter point par point. "Les principales craintes des riverains sont relatives à la présence supposée autour des composteurs de rongeurs, animaux errants et aussi aux possibles odeurs. Or ils n’attirent aucun animal. Quelques fourmis éventuellement. Mais ni rats, ni chats ou chiens. D’abord, il y a des couvercles en bois. Mais surtout la matière organique se décompose très vite au début, en montant en température, autour de 50-60°. Donc il n’y a plus de traces d’aliments assez rapidement. Cela ne les attire pas." Pour les rongeurs, insiste Jérôme Véniat, c’est une idée préconçue d’imaginer qu’ils aiment plus particulièrement les produits carnés. "Ils sont omnivores, donc ils aiment tout autant un trognon de pomme, qu’un bout de fromage ou un morceau de viande. Mais ce qu’ils aiment surtout, c’est la tranquillité. Et comme on vient régulièrement brasser le compost, ils sont dérangés et ne s’installent pas."
De même, les odeurs restent confinées sous le couvercle et si certains habitants redoutent au début la proximité des bacs, la pratique démontre que rapidement, ils sont plutôt victimes de leur succès. "Il faut dire aussi qu’ils créent du lien social. Ce sont des gens engagés dans la même démarche, dans ce geste pour la planète, qui s’y retrouvent."
Concrètement, le composteur dit "carné", accepte la viande et les arêtes de poisson. "Mais pas des entrecôtes entières !, prévient Jérôme Véniat. D’ailleurs globalement, il ne faut jamais mettre de trop gros morceaux." Une carcasse de poulet… ça passe. Ainsi que, faut-il préciser, les agrumes. "98 % des gens pensent que c’est malvenu, trop acide ou autre… mais c’est une fausse idée", dément encore le spécialiste.
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